Commémoration du 25 mai 2013

Histoire du Short Stirling R 9194 BU-N
Nous sommes le 28 novembre 1942, la nuit étend son voile noir sur le sud de l’Angleterre, lorsqu’une formation de bombardiers Short Stirling du squadron 214 du Bomber Command décolle lourdement chargé. La mission de cette nuit consistera à bombarder les usines Fiat dans le nord de l'Italie.
Les membres de l'équipage du Short Stirling ( Photo Hervé Savary)
Parmi cette formation le R9194 BU-N, piloté par Franck Gartland et 6 hommes d'équipage tentent péniblement de gagner de l'altitude au-dessus de la Manche.
Le Short Stirling, bien que correctement motorisé, (4 Bristols Hercules de 1650 Ch) a une envergure réduite (spécification de l'époque pour pouvoir les intégrer dans les hangars de la RAF). Son plafond pratique est de 5180 m et sa vitesse en configuration lisse n'est que de 435 Km/h. Il pèse en ordre de vol plus de 27 tonnes, et son armement est faible (une tourelle de queue équipée de 4 mitrailleuses, et une tourelle dorsale munie de 2 mitrailleuses de petits calibres).
Le Short Stirling est le plus gros bombardier de la RAF en 1942
La superstition qui règne chez les marins l'est aussi chez les aviateurs, et crée un léger malaise à bord du BU-N, car l'équipage habituel n'est pas au complet. Le mitrailleur de queue et celui de la tourelle supérieure ont été remplacés par 2 jeunes recrues dont c'est la première mission. Mauvais présage !
Les côtes de France sont en vue et les tirs nourris de la Flak les entourent. Les Stirling passent tant bien que mal et se dirigent droit sur le nord de l'Italie. Les appareils à bout de souffle franchissent les Alpes avec peine, puis entament la descente vers les usines Fiat de Turin.
La cible est ratée une première fois, mais la seconde passe à 450 m d'altitude est un succès.Les Stirling regagnent leur base au plus vite, moteurs lancés au maximum pour de nouveau franchir les Alpes.
A Juvincourt, après minuit le 29 novembre 1942, l'effervescence est de mise car les radars ont signalé un groupe de bombardiers dans leur secteur remontant vers le nord-ouest. Les Messerschmitt 110 de chasse de nuit décollent en urgence avec leur 3 hommes d'équipage, le pilote, le radariste, et le mitrailleur arrière en direction de la formation. Il fait nuit noire, lorsque sur le radar du BF 110 apparaît une grosse tache brillante. Les Stirling sont localisés, Helmut Bergmann (un as de la chasse de nuit) monte vers eux à puissance maximale et distingue bientôt une ombre imposante au-dessus. Il fait feu de toutes ses armes de bord et touche gravement le BU-N. Dans le Stirling la panique règne, les explosions des obus de 20 mm ont mis le feu à l'avion. On dénombre plusieurs morts. Gartland, tente une manœuvre d'évitement, lorsqu'un choc brutal est ressenti par tout l'équipage. Le BF 110 a heurté de son moteur la tourelle arrière du Stirling et le mitrailleur est tué sur le coup !
Messerschmitt BF 110 de chasse de nuit
Gartland n'arrive plus à maintenir l'avion à plat, malgré la mise en puissance des moteurs, et ordonne l'évacuation immédiate. Quatre corolles blanches se déploient tour à tour dans le ciel de Viry-Noureuil.
Le Stirling en feu et sans pilote rase les toits, coupe les arbres et s'écrase dans le marais, à quelques dizaine de mètres de la commune de Sinceny, sur le territoire de Viry-Noureuil.
Le BF 110 quant à lui réussi à regagner Junvincourt sur un moteur et se posera sur le ventre, sans plus de dommages.
La carcasse fumante du Stirling s'étale sur plus de 500 m et des lambeaux humains parsèment les arbres environnants. C'est l’apocalypse que les premiers Sincenois arrivés découvrent.
Un homme d'équipage est récupéré gravement blessé, mais décédera 4 jours plus tard à l’hôpital de Laon .
Gartland est vivant, il sera pris plus tard par les soldats Allemands aux confins de la Haute-Marne sur dénonciation d'un habitant ; puis interné dans divers Stalag à la suite de plusieurs tentatives d'évasion. Il finira la guerre dans un autre Stalag de la Luftwaffe immortalisé dans le célèbre film « La Grande Évasion » avec Steve McQueen.
Deux autres membres blessés seront eux aussi repris.
Seul Cyril Penna, après avoir de nombreuses fois été hébergé par des Français, parviendra à regagner l’Angleterre après de multiples péripéties.
C'est le récit très résumé de la conférence du Commandant Hervé Savary, passionné d'histoire de héros, fortement argumenté et documenté, qu'il a bien voulu partager avec l'assemblée venue l'écouter.
Quelques images de la commémoration du 25 mai 2013
Une stèle est dressée à l'initiative du commandant Hervé Savary sur le lieu de la chute de l'appareil.
Les membres du Conseil Général, Députés et Maires des communes environnantes se recueillent devant la stèle.
Hervé Savary, Cyril Penna (bombardierdu Short Stirling est le seul survivant à ce jour) ,le fils du pilote Franck Gartland, pilote Néo -Zélandais.
La conférence ou toutes les chaises étaient prises d'assaut
Un grand moment d'émotion pour les Faucheurs de Marguerites
Cyril Penna souhaitait nous rencontrer, à l'initiative de madame la directrice du Musée.
Pendant près d'une heure, les questions fusèrent, sur l'aviation durant la guerre, la peur des équipages pendant ces missons dangereuses, le fait qu'il était devenu sourd à cause du bruit des moteurs et de l'éclatement des bombes, il nous fit vivre le passage des Alpes avec un Short Stirling, l'inquiétude qui gagnait les pilotes à l'approche du plafond de vol lourdement chargé, etc...
Il s'étonna aussi de voir que 70 ans après de jeunes gens s'intéressent encore à son histoire.
A 91 ans Cyril Penna est devenu un héros malgrès lui, après avoir été pilote sur Wellington en 1940 , trop jeune pour effectuer des missions de bombardement , il fut formé comme bombardier sur Short Stirling, puis intégra le squadron 214 ou il effectua jusqu'au 29 novembre 1942 toutes les missons les plus risquées.
Un sacré bonhomme ce Cyril Penna !